Préambule

Nöliö est une plateforme permettant la planification et le suivi d’athlètes par un coach mais surtout l’intégration et l’analyse de données collectées via des appareils de mesure type cardiofréquencemètre, compteur et GPS, capteurs cadence et puissance, etc …

Les principaux utilisateurs sont issus du milieu de l’endurance quelle que soit sa forme : trail, cyclisme, triathlon, vtt, ski de fond, aviron, etc …

Depuis septembre 2022 j’utilise Nöliö avec un groupe de 10 grimpeurs au sein d’une section sportive scolaire escalade au Lycée Montesquieu de Bordeaux. Le niveau est assez hétérogène entre les plus jeunes (classe de seconde) et les plus anciens (terminale) mais ils évoluent globalement entre le régional et le national (dans les deux disciplines que sont le bloc et la difficulté).

Ils s’entraînent de 3 à 6 fois par semaine, tantôt avec moi, tantôt avec un entraîneur de club (partenariat).

J’ai d’avantage la partie préparation athlétique que la partie pure escalade.

Depuis 18 mois donc j’ai essayé d’exploiter au maximum les potentialités de la plateforme en essayant de l’adapter au mieux à une activité très typée force max, où la motricité est d’une rare complexité avec une composante technico-tactique essentielle.

Mais où sont les datas ?

Malgré l’apparition de premiers outils de mesure comme des poutres avec capteur (photo ci-contre [1]), l’entraînement du grimpeur n’est pas appareillé, rendant inopérantes la kyrielle d’analyses statistiques proposées par Nöliö mais aussi toutes les séances préparées en amont pour être envoyées à nos fameuses montres.

Cela pourrait donc être considéré comme un manque pour certains coachs issus du milieu de l’endurance, mais en l’escalade, vu qu’il n’existe pas vraiment de système de collecte des données résultant de l’activité du grimpeur, point de vide.

Il n’y a pas si longtemps, les meilleurs grimpeurs français utilisaient une mesure qui pourra en surprendre certains avec le comptage pur et simple du nombre de mouvements de main réalisés dans une séance [2]. Quel que soit le type de travail on se basait ainsi sur un élément quantifiable : le nombre de « mouv » engagés par le haut du corps, avec une notion d’intensité des dits mouvements, quand même, type RPE de Foster. Je vous laisse imaginer un carnet d’entraînement de coureur où ne seraient référencés que le nombre de foulées …

Pour ceux qui l’ignorent, le niveau de performance en escalade est relatif à la voie ou au bloc que vous avez été capable de réaliser (atteindre le sommet). Les cotations, sujet on ne peut plus discuté au sein de la communauté, sont proposées par les ouvreurs ou le premier grimpeur qui réussit à aller au sommet. Les suivants confirmeront ou pas la proposition de cotation. En prolongeant le rapprochement avec la CAP, point de tergiversation quant à votre chrono sur un 10km plat. Si vous faites 50’ ou 35’, chacun saura situer votre niveau.

Un grimpeur qui annonce 7a à vue, donnera de solides indications sur son niveau, mais d’avantage comme un potentiel que référence absolue. Un peu comme une VMA, qui peut laisser espérer tel ou tel chrono sur une distance donnée, mais qui ne garantit rien.

La course, il faut la faire ! Le relais, il faut le cliper !

Ce petit préambule étant fait, voici comment j’utilise Nöliö, après 4 mois de paramétrages et d’adaptations, bien conscient de n’exploiter que très peu la puissance de l’outil !

Notes

  1. 1 Travaux de recherche du Dr Laurent Vigouroux, maître de conférences Aix-Marseille Université, expert en biomécanique et en physiologie de la main à l’Institut des Sciences du Mouvement Etienne-Jules Marey,
  2. 2 R. Samyn, Grimper #191, Septembre 2018, p6

Smartboard - Poutre utilisée pour le développement de la force à doigts avec capteurs permettant une mesure des forces appliquées. L. Vigouroux & C. Lechaptois

Programmer

Utiliser une plateforme dédiée à l’entraînement c’est avant tout passer un cap en acceptant de se mettre à penser une programmation sur le court, le moyen et le long terme, chose on ne peut plus complexe et ce qu’elle que soit l’activité sportive.

En escalade, il y a deux phases de compétition dans l’année : automne et hiver consacré au bloc qui demande beaucoup de force, de qualité de coordination, de l’explosivité pour un effort bref d’environ 4 à 8 mouvements.

Le printemps et l’été sont dédiés à la difficulté où le grimpeur doit essayer d’atteindre le sommet d’une voie de 12 à 15m : ici la lecture de la voie et la méthode choisie par le grimpeur sont centrales ainsi que sa capacité à économiser ses fléchisseurs (doigts et poignets). L’affectif est aussi très important car la peur de la chute peut vraiment être un facteur très limitant.

Je n’évoquerai pas la vitesse, non travaillée réellement par mon groupe, n’ayant pas l’outil de travail aux normes : mur de 15 mètres avec enrouleur rapide.

Ces deux moments dans l’année simplifient sans doute un peu la planification tout comme le peu de compétitions proposées (départemental, régional, inter région, national … pour ceux qui vont au bout).

On peut donc travailler sans compétition de septembre à fin novembre. Les 2 premières échéances sont placées début décembre et début janvier pour tous les membres du groupe.

Je dispose donc de 3 mois de travail, une compétition, 3 semaines, une compétition.

Sur ces douze semaines, concernant la préparation physique, nous faisons d’abord un cycle d’endurance de force (5 semaines) puis un cycle de force (3 semaines), suivi d’un cycle d’explosivité (2 semaines) puis une phase d’affutage (2 semaines).

Je n’entre pas d’avantage dans les détails de ce programme, discutable en tous points, mais qui a largement vu progresser les grimpeurs en force max (charge max, vitesse faible) mais aussi en vitesse-force (charge faible 30-40%, vitesse élevée).

La grande place accordée à l’endurance de force est à corréler à l’apprentissage des patterns de la musculation par les élèves : sécurité, posture, respiration, trajet moteur, cadence …

Il s’agit d’intégrer les règles techniques des fondamentaux : développé couché, squat, tirage dos vertical/horizontal, traction, etc …

L’approche est prophylactique : se renforcer pour ne pas se blesser et rendre possible les progrès sur le long terme.

Beaucoup de répétitions et de faibles charges sont de vrais garde-fous pour éviter les blessures en apprenant à maîtriser des trajets moteurs propres, les verrouillages nécessaires pour protéger une articulation, savoir détecter une dégradation gestuelle pour arrêter sa série.

Ces acquis sont indispensables pour augmenter les charges ou la vitesse d’exécution.

Nous verrons un peu plus loin dans l’article la place faite au renforcement musculaire, notamment avec des exemples de séance type et l’utilisation des métriques dans Nöliö.

La plateforme permet donc d’abord un travail par période grâce à son calendrier à visualisation hebdo/mois/trimestre/année.

Cela peut paraître anodin, mais ayant pratiqué d’autres interfaces, je trouve que la plasticité des éléments à voir est vraiment de très fonctionnelle. Le soin apporté au graphisme est également très agréable et je rajoute que tout est paramétrable à souhait, ce qui est tout à fait rare.

Une semaine de séance planifiée pour un des grimpeurs du groupe : la variété des séances est repérable grâce aux couleurs mais aussi avec les labels : renforcement muscu, rési courte, bloc tactique… La bandelette rouge représente la fin d’un cycle dédié à la force explosive et la grise signale l’entrée dans un cycle d’affutage pré compétitif : réduction du volume d’entraînement mais maintient de l’intensité. Pour finir, les petits logos indiquent si la séance a été programmée pour le groupe (c’est le cas dans notre exemple) ou individualisée. Le petit mousqueton signale que la séance comporte de l’escalade et pas seulement un travail physique (haltérophile).

Réaliser et commenter

En tant que coach, s’il m’incombe de programmer, c’est bien au grimpeur de basculer la séance du jour dans le mode « réalisé » une fois qu’elle est faite. Il aura à ce moment là des informations à me communiquer, comme son ressenti quant à l’effort fourni dans la séance (échelle RPE de Foster) et ses sensations globales : de très bien à horrible (capture ci-contre).

Ces deux premiers retours sont précieux car, bien qu’ils soient basés que sur les perceptions de l’athlète, ils permettent un visionnage très rapide de son état général en fin de séance, de constater un décalage avec l’intensité d’effort ressentie que j’avais prévue en amont.

Par ailleurs je demande expressément aux grimpeurs de renseigner tout ce qu’ils ont vraiment fait dans la séance : quel atelier ?, quelle charge ?, combien de voies ?, quel niveau ?, combien de blocs ?, combien d’essais ? combien de récup ?

Même si je rédige la séance en amont il est très important qu’ils puissent me donner des infos sur ce qu’ils ont vécu réellement. Déjà, parce qu’il n’est pas rare que la séance soit modifiée ou adaptée, mais aussi et surtout parce que ce retour écrit est à mes yeux fondamental dans le processus d’entraînement.

Fenêtre de retours post séance de l'athlète

En effet, tenir un carnet de ce que l’on fait à l’entraînement est le point d’entrée dans une activité mesurée, quantifiée et qui devient donc régulable en fonction de ses effets. C’est aussi une trace, une mémoire de ce qui a été réellement fait sur le terrain.

Ensuite, ce passage à l’écrit implique l’athlète dans un processus de dévolution : ce projet doit absolument devenir le sien s’il veut progresser et donc performer. Un athlète qui consomme et applique les recettes d’un coach, dans une telle activité où la lecture du milieu et la prise de décision sont centrales, me semble être un robot téléguidé incapable de se réorganiser dans la difficulté.

C’est peut-être un biais lié à mon activité d’enseignant, mais je l’assume. Je vise une pratique éclairée qui mène à la connaissance de contenus scientifiques vulgarisés et à une vraie autonomie future de l’athlète. Je ne suis pas prestataire d’une méthode magique et secrète dont l’enchantement se fanera avec la fin du cursus.

Pour finir, rédiger un retour sur sa séance, c’est aussi permettre une analyse plus fine par le coach hors de l’effervescence d’une séance (feedback différé [1] ). Certains athlètes sont effacés à l’entraînement malgré un engagement physique total. Même sur un petit groupe de 10 éléments, on ne peut pas tout superviser au cours d’une séquence de travail et je trouve qu’il est précieux de pouvoir analyser la production et les retours a postériori.

Le système de messagerie intégré à la fenêtre de la séance réalisée est bénédiction car cela me permet dans un premier temps d’analyser le retour du grimpeur et de lui faire un retour écrit. Parfois cela déclenche une discussion.

Note

  1. 1 [*](Smits et al., 2008) in Caractéristiques et fonctions des feed-back dans les apprentissages Christelle Bosc-Miné, 2014

Paramétrer Nöliö

L’interface est donc paramétrée initialement pour des déplacements mesurés (vitesse, distance, dénivelé, etc …).

Pour éclaircir l’environnement j’ai donc ré-organisé les références pour ne garder que ce qui m’intéresse. C’est un peu fastidieux et surtout loin d’être parfait car le process Nöliö est vraiment organisé autour du déplacement et de la physiologie de l’effort de longue durée.

Même si vous « nettoyez » un maximum, pas à pas, resteront des références qui ne servent à rien quand on ne se consacre qu’à la grimpe et à la prépa physique.

Le 1er exemple, central et structurel : quand vous ajoutez un entraînement à réaliser, impossible de faire disparaitre la case « détails » qui consiste à renseigner le classique : durée, distance, allure, déniv’.

2ème exemple, quand vous paramétrez le suivi de vos athlètes il existe de fait des catégories comme la Performance (VMA, PMA, Vo2, FTP, etc) ou le Profil Puissance Record (PPR) qui ne trouvent pas encore leur place sur mon champ d’investigation.

Et là vous me direz, pourquoi diable n’y a t il pas de Performance en Escalade ? Je vous réponds qu’il y en a bien, mais que Nöliö n’est pas encore capable d’intégrer cette dernière car elle utilise un système de référencement un peu bizarre où se croisent des chiffres (1, 2, 3, 4, etc …) des lettres (a, b, c) et des (+). Quand on cumule tout, on va du 1 au 9c en passant par des trucs comme 7b+.

Cela demanderait un travail de « correspondance » entre ces cotations pour qu’il soit numériquement intégrable et surtout utilisable pendant les séances de grimpe. Un peu comme une VMA, exprimée en km/h et qui permet de planifier l’intensité d’une séquence de CAP de façon fine.

En escalade, nous utilisons le vocable « sous maximal » pour une séquence à niveau max - 1, ou -2 ou -3. C’est à dire qui nécessite une intensité moindre que votre niveau max pour être dans la cible de travail.

Par exemple, quand on axe la séance sur un grand volume de travail (endurance de force = conti dans le jargon grimpeur) en doublant ou triplant les ascensions consécutives sur un niveau vraiment facile pour soi (-2 ou -3).

Dans la catégorie Santé, je n’ai gardé que le poids et le sommeil global (non mesuré par un outil) comme références. Mes élèves ne sont pas équipés pour une mesure qualitative de leur sommeil. Quant au taux de masse grasse, il faudrait que je fasse moi même les mesures (méthode de Perronet ou plis cutanés), pour avoir des résultats à peine sérieux et je trouve cela pour le moment trop intrusif pour une pertinence peu évidente.

Si je garde le poids de l’athlète, c’est que j’en ai besoin en musculation (tractions, dips).

Quant au sommeil, j’ai remarqué que certains grimpeurs répertoriaient leur sommeil effectif et je leur ai laissé la main.

Dans la catégorie Forme, je ne retiens rien, puisque ce sont des intégrations de matériel haut de gamme dont je ne dispose pas (Garmin, Polar, Incorpus). Pour information, j’expérimente la VFC - variabilité de la fréquence cardiaque, HRV en anglais - sur moi même (Haptools et aujourd’hui la solution proposée par Nöliö) et j’avoue que je suis assez frileux à cette heure à l’idée de la démocratiser à tout le groupe.

Mes lectures et les retours d’entraîneurs autour de moi sont très contrastés et montrent surtout que les mesures régulières de la VFC peuvent vraiment perturber certains athlètes, voir les stresser fortement. Je tenterai peut-être avec certains profils l’expérience, mais avec une double prise quotidienne (couché/debout) ce qui implique un athlète investi et un temps de traitement des données assez long pour moi.

Quelques références utilisées en musculation : charge maximale théorique (1RM) sur le mouvement concentrique

Renforcement musculaire

J’ai donc créé une catégorie Musculation avec des références liées aux différents patterns travaillés. J’ai actuellement une trentaine de métriques (tableau ci-dessus) : certaines sont des classiques en renforcement musculaire, comme le développé couché ou le squat. D’autres sont très orientées escalade comme le Pistol Squat (squat complet sur une jambe à poids de corps) ou encore les isométries maximales (blocage biceps à 90° par exemple).

La plupart des valeurs sont renseignées en kilogrammes, mais certaines sont en exprimées en durée ou en nombre de répétitions max.

Les métriques en kg correspondent au 1RM théorique (une seule répétition maximale). Elles ont été calculées au fur et à mesure des cycles de travail grâce à des tables de conversion qui permettent de déduire, sur la base d’une charge et un nombre de répétitions sur une série réussie, sans dégradation de la qualité du trajet moteur, la capacité de l’athlète à faire théoriquement une répétition maximale.

Cette valeur théorique permet une programmation au demi kg près pour chacun des grimpeurs. Dès la fin du long cycle d’endurance de force, très généraliste et assez peu individualisé, j’ai pu faire des estimations des 1RM théoriques et prévoir des séances à la carte pour lesquelles les charges sont calculées automatiquement par la plateforme.

Par contre cela implique un suivi accru, car étant avec un groupe jeune qui débute en renforcement musculaire, leurs progrès sont rapides et il faut donc très régulièrement mettre à jour ces valeurs, sinon les charges sont sous évaluées.

Par ailleurs, il faudra réaliser un vrai travail de formation quant à l’utilisation de l’application mobile auprès des athlètes pour qu’ils puissent faire ces mises à jour seuls. Ils doivent également bien maîtriser l’utilisation des tables de conversion [1] pas toujours très simples à décoder surtout quand les valeurs sont faibles.

Notes

  1. 1 Charle Poliquin 1999, 2006 adapté par Olivier Bolliet, Le Maillon Faible™, webinaire, 2022
  2. 2 Formule de Prévost (2013) in La Bible de la Préparation Physique p 292 D. Reiss et P. Prévost

Formule mathématique de Prévost permettant d’estimer d’établir la valeur des charges du 1RM au 15RM. Exemple : si je peux soulever 6 fois 83kg au dév. couché, mon maximum théorique (1RM) est de 100kg

Séance type

Le paramétrage, c’est aussi prévoir en amont vos séances. Sur ce point, n’utilisant pas la séance structurée (à envoyer vers une montre) le profit est loin d’être à la hauteur ce que propose réellement Nölïo, mais cela permet de gagner du temps dans la planification.

Selon les séances, je rentre plus ou moins dans les détails à propos ce ce qu’il y a à faire.

Disons que plus je recherche l’autonomie de l’athlète dans la séance, plus je détaille intégralement le corps de séance.

Quoi qu’il en soit sur ce point, l’intérêt majeur se situe ici du côté du coach, car j’ai pu mettre au point des dizaines de séances, par thème de travail (endurance de force, mobilité, explosivité, etc …) et que c’est un vrai gain de temps quand je fais une planification pour un athlète.

Au cœur de ces séances types : toutes les infos sur ce qu’il y a a faire, avec schémas ou vidéo à l’appui.

C’est une vraie feuille de route pour le grimpeur pour réaliser sa séance en autonomie, même si je préférerais toujours un coaching en présentiel !

Exemples de séances pré-paramétrées

Dynamique des charges

Nöliö est d’une grande utilité quant à l’impact que peut avoir sur l’athlète une charge de travail planifiée ou réalisée. En effet, il intègre de façon très efficace plusieurs formes de mesures de la charge d’entraînement.

J’ai personnellement fait le choix du modèle de Foster puisque les autres modélisations ne sont pas adaptées à l’escalade : Coggan, basée initialement sur la puissance (watts) et Trimp, axée sur la fréquence cardiaque, non utilisée de mon côté.

Comme déjà évoqué en introduction, l’activité du grimpeur n’est pour le moment pas « monitorée » et nous ne pouvons pas exploiter de données contrairement à d’autres sports.

Le modèle de Foster, parce qu’il est tout à fait empirique, permet d’attribuer à chaque séance une charge de travail, mesurée en Unités Arbitraires (UA).

La formule est assez simple : on fait le produit entre le temps de la séance (minutes) et son intensité (RPE). Le RPE est une valeur qui va de 1 à 10, du très facile à l’effort maximal.

Mais il y a une vraie limite à ce modèle : car si pour un footing de 45’ à allure régulière et intensité moyenne (70% VMA par exemple > RPE 4), l’estimation semble aisée : 45x4 = 180 UA, c’est vraiment plus difficile de définir la charge sur une séance d’escalade.

Si je prends l’exemple d’une séance de bloc d’une même durée (45’) avec 30 essais (un essai toutes les 1’30’’ en moyenne) dans des blocs de niveaux très différents et donc des intensités et des durées inégales, ponctuées de récupérations longues (+ de 2’) mais incomplètes, comment dois je m’y prendre pour faire mon calcul ?

Faut-il ne tenir compte que du temps réel de grimpe ? Faut-il estimer pour chaque bloc l’intensité de l’effort ? Sachant qu’on est très souvent sur du niveau 10 (effort max) mais que ça ne dure que quelques secondes et qu’il y a des passages très techniques qui ne demandent que peu d’effort (travail de pieds et d’équilibre dans une dalle).

Après moultes tentatives pour trouver la bonne formule j’ai décidé de ne garder que le temps passé à la pratique, hors échauffement, mais repos compris, et de définir le RPE en fonction de la difficulté globale de la séance. Donc une séance sur des voies ou des blocs à niveau max sera toujours sur des valeurs de 8, 9 ou 10, tandis qu’une séance de volume, finira avec un RPE à 6, 7 ou 8. Une séance de poutre rési longue à 5 ou 6 et une séance souplesse ou yoga à 3 ou 4. C’est le ressenti réel qui fera infléchir le RPE final à la hausse ou à la baisse dans la fourchette de valeurs de départ.

Finalement, cela permet d’attribuer une valeur à la charge qui se révèle assez juste malgré l’approche très empirique et flottante selon les sensations du jour.

Avec le temps je n’observe pas d’incohérences avérées et cela permet d’utiliser de façon plutôt juste les modélisations proposées par la plate-forme.

Echelle des intensités RPE (Rating of Perceived Exertion)

Indice de Monotonie

Outil que j’apprécie beaucoup et qui permet d’évaluer la variété des intensités requises par les séances que l’on propose. Avant d’avoir des notions de physiologie, j’avais l’intuition qu’un seul stimulus sur un organisme vivant ne pouvait que limiter l’importance des réponses du dit organisme vivant. La théorie semble corroborer cette idée.

En somme, faire la même chose, 3 fois par semaine, sur une période prolongée a de fortes chances de conduire à une stagnation, une grande lassitude ou pire à une blessure.

L’indice de monotonie (calcul statistique basé sur l’écart-type[1]) est vraiment un repère très fiable quant à la répétition marquée de séances similaires en termes d’intensité et de durée.

En escalade, la variété des situations est assez grande et on pourrait avoir l’impression, parce que l’on change tous les jours de lieu d’entraînement, de type de sollicitation (bloc, diff, circuits, agréés, musculation) qu’il n’est pas possible de glisser vers cet écueil.

Pourtant, parce que la mécanique des préhensions reste la même, les patterns de tirage des membres sup ou de poussée du membre inf. aussi, il y a un vrai risque de générer une monotonie prolongée qui peut conduire l’athlète à un surmenage, une fatigue mentale ou une blessure.

Une fois par semaine, je vérifie athlète par athlète que leur indice de monotonie navigue entre 0,8 et 1,8. Je sais que ma programmation initiale ne génère pas d’indice supérieur à 2 et si le grimpeur rentre dans la zone rouge c’est simplement lié à des activités non planifiées.

Le grand classique : faire du bloc pendant 4h avec les copains, le samedi et le dimanche. Grosses séances identiques en UA qui font dériver de façon importante l’indice.

Quand cela arrive, je préviens rapidement qu’il faut lever le pied, et j’aménage le début de semaine pour éviter les redondances.

Note

  1. 1 in « Utiliser la charge d’entraînement pour mieux s’entrainer » Blog Nöliö, Oct. 2021

Fenêtre Nöliö indiquant la charge hedbo selon Foster

Graphique où se croisent la charge (courbe violette), l’indice de monotonie (point gris et la contrainte qui en découle (courbe orange). Dès que l’indice de monotonie dépasse 1 il fait mathématiquement gonfler la contrainte. Inversement, un indice de monotonie inférieur à 1 réduit l’impact de la contrainte à un niveau inférieur à la charge.

La contrainte

La contrainte est le produit de la charge (UA) par l’indice de monotonie.

Si ce dernier est autour de 2, cela va tout simplement doubler la contrainte perçue par l’athlète. Si l’indice de monotonie n’est pas maîtrisé et se prolonge dans le temps tout en maintenant un haut niveau de charge, on fait rentrer l’athlète dans une zone à risques.

La contrainte permet vraiment une lecture enrichie de l’indice de monotonie et de réfléchir à une programmation la plus variée possible de types de séances.

Attention quand même, si votre athlète est « cramé » il risque de tout ressentir de façon négative, même les séances qui ne sont pas a priori très exigeantes.

C’est encore plus révélateur de son état de surmenage.

L’axe pédagogique de Nöliö : apprendre à s’entraîner

C’est un peu la synthèse des points évoqués plus haut, mais il est évident que pour un projet scolaire, l’axe apprentissage est essentiel. Et là, Nöliö devient un allié de grande qualité pour accompagner les élèves grimpeurs vers une forme d’autonomie dans leur préparation.

Sans rentrer dans les détails, il faut savoir que beaucoup de grimpeurs n’ont pas de plan d’entraînement et se contentent d’un gros volume de pratique pour être en forme. Avec l’émergence des poutres, le travail isolé de la force à doigts a émergé, mais il reste allusif car non réellement intégré à un plan d’entraînement.

Faire accéder ces élèves à la compréhension de ce que sont les facteurs de la performance en escalade me parait essentiel, car, malgré l’approche scientifique et rigoureuse qui peut paraître antinomique avec cette activité, il s’agit au contraire de sortir d’une monotonie qui consiste à faire le même type de séance à chaque fois.

S’entraîner est bien plus ludique quand on axe le travail sur des points précis, quand on varie au maximum les exercices, qu’on en mesure les effets, quand on accepte la fatigue passagère suite à un gros bloc car on sait qu’on va être fort pour la compétition à venir …

Accéder à un bon niveau de connaissance quant à l’entraînement c’est aussi bien mieux se connaître et être capable de jouer sur des paramètres à la carte, en fonction de ses besoins et de ses objectifs.

Très rapidement le travail en musculation fait émerger des déséquilibres dans les ratios de force des différents patterns de la motricité humaine. Chaque grimpeur mesure le travail à accomplir pour se rééquilibrer, d’abord pour ne pas se blesser, mais surtout pour être plus efficace ensuite.

Ils se découvrent des qualités d’explosivité pour l’une ou en endurance de force pour l’autre et savent le travail à accomplir pour réduire leurs points faibles.

Ils sont à un âge où ils seraient capables de grimper 3h par jour s’ils en avaient la possibilité, par ce qu’ils adorent ça mais aussi parce qu’il est communément admis qu’en faire toujours plus à l’entraînement c’est ce qu’il y a de mieux, bien malheureusement.

Apprendre à s’entraîner, c’est apprendre à se reposer, à se ménager, parce qu’on maîtrise des éléments scientifiques (coefficient de monotonie, niveau de charge, contrainte, etc …) et qu’on est tout à fait confiant en programmant une séance de yoga ou de marche plutôt que une énième séance de force.

Tous ces points vont dans le sens d’une approche globale de l’existence qui consiste simplement à être bien dans ses baskets, car on se voit sur un chemin qui mène à la progression, à la maîtrise d’un plus grand nombre savoirs et à sa capacité grandissante à conduire sa vie de façon autonome.

Il est plus que probable que la majorité de ces grimpeurs n’accèdera pas au plus haut niveau, mais il me semble que le plus important est bien qu’ils aient grandi sportivement, intellectuellement tant sur un plan personnel que collectif et qu’ils puissent réinvestir dans leur vie personnelle ce mélange de sérieux et de jeu qu’auront été ces trois années de section sportive.